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Plein de vide

3 avril 2013

Les lésions niaiseuses, I

(Attention, l'histoire qui va suivre sera fortement arrosée d'eau rose, ce qui risque d'être fort écoeurant. Vous êtes prévenus!)

Il était une fois une princesse (car toutes les femmes sont des princesses. Il n'y a qu'à lire un tas de contes plus ou moins traditionnels pour le savoir). Cette princesse vivait dans un royaume en crise qu'elle administrait de son mieux, en s'efforçant d'oublier qu'elle ne ressemblait guère aux princesses habituelles: pas de beauté souveraine ni de brillante intelligence ne s'épanouissaient chez son humble et pourtant orgueilleuse personne. Elle était plutôt enrobée et pansue comme une cruche, et bien souvent gourde par-dessus le marché.

Dans ce monde enchanté et enchanteur, les maisons sont toutes un peu occupées par la magie. Là-bas, chaque logis compte plus de portes qu'il ne possède de pièces. Pourquoi donc? Parce que certaines portes, au lieu de vous mener vers une chambre ou les toilettes, vous laissent entrer chez vos amis ou votre proche famille. C'est fort pratique pour recevoir ou être invité: votre hôte peut bien habiter à l'autre bout du royaume, vous n'avez qu'à ouvrir une porte pour venir le voir ou le convier chez vous.

Le palais de la princesse ne faisait pas exception, et elle-même, comme n'importe quel de ses sujets, usait de ses portes comme bon lui semblait.

Cette princesse s'occupait donc de ses affaires et de celles de son petit royaume, tout en recevant et visitant ses amis, grâce à la magie des portes.

Et bien entendu, pas de conte à princesse s'il n'y a pas... un prince. Mais y en a-t-il seulement un dans cette histoire? Oui? Non? Lui, là-bas? Un homme? Non, un prince! Oui, il y en a un! Mais que peut-il bien se passer dans le prochain épisode, alors?

(A suivre...)

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1 novembre 2012

Réflexions après le procès de Créteil

Il y a quelques semaines s'est achevé le procès des viols collectifs à Créteil. Les agresseurs présumés s'en sont tirés avec des peines ridicules et humiliantes pour leurs victimes. 

L'avocat des accusés (puisqu'il est apparemment difficile de parler de "coupables") a déclaré qu'on ne pouvait pas condamner quelqu'un sur simple parole.

"Sur simple parole"?

Il ne reste aucune preuve de ce que j'ai pu subir, à divers degrés et à différentes époques. Le jour même, il n'y avait pas de preuves, aussi bien avant qu'après. Si j'avais parlé, j'aurais donc appris qu'on ne peut pas condamner quelqu'un sur la simple parole d'une gamine, en dépit de la véracité des faits. Il y a même eu une fois où un type m'a embrassée de force devant témoins, personne n'a protesté, l'un d'entre eux est même venu me voir en m'assurant que ce n'était pas grave et qu'il n'avait pas fait exprès. Ca doit être pour ça qu'il m'avait bloqué les bras. J'avais dix-sept ans et j'ai appris ce jour-là que non seulement il y avait des connards, mais aussi que la famille les couvrirait au besoin parce qu'ils sont plus intéressants et plus fiables que moi.

Selon cet avocat, il doit être inutile de porter plainte des années après les faits: quel intérêt, puisqu'il n'y a plus de preuves physiques?

L'on pourrait me répliquer: "Anne, m'enfin! tout le monde sait qu'il faut porter plainte immédiatement après l'agression!"

J'aimerais pouvoir être dame Séli pour vous dire: "Vous pouvez me la refaire sans trembler des genoux, celle-là?"

Porter plainte juste après, d'accord. Seulement... si c'était si évident, pourquoi sont-elles aussi peu nombreuses à le faire? Mmh? Pourquoi? Ca vous plairait, à vous, de devoir expliquer tout ce qui est passé dans votre intimité comme si vous n'aviez pas déjà été fichu(e) à poil? Ca vous semblerait facile de descendre dans tous les détails les plus personnels, les plus organiques, dans des termes que vous n'auriez jamais songé à utiliser? Est-ce que vous envisageriez avec sérénité de faire face aux questions des flics: "Vous êtes sûre d'avoir dit non? Vous êtes sûre d'avoir crié?" quand ce n'est pas "Bon, vous ferez attention la prochaine fois..."?

Qui a besoin de ça juste après un choc?

Des associations féministes ont manifesté pour protester contre ce verdict honteux devant le ministère de la Justice.

Cependant, est-ce bien la justice française qui est en cause? Qui a rendu le verdict? Qui juge en cour d'assises? Ce n'est pas l'institution étatique. Ce sont les jurés, autrement dit, le peuple français.

Le peuple français a décidé, en son âme et conscience, d'acquitter certains prévenus et de condamner les coupables à des peines légères.

Le peuple français a donc clairement exprimé que les viols collectifs ne sont pas des crimes bien lourds. Cela revient à dire que le viol, ce n'est pas si grave, pas si humiliant, pas de quoi être traumatisé, pas la peine de punir des gens qui ne sont pas si méchants, puisque ça s'est passé il y a longtemps! 

Cette complaisance ne m'étonne pas. Depuis quelques années que je m'intéresse au sujet, je constate que le pervers prédateur (qui représente une minorité des agressions) est plus lourdement condamné que le copain dont on découvre trop tard qu'il n'en est pas un ou le papa qui trouvait sa fille aguichante.

Nina a encouragé les femmes à ne pas porter plainte. Je la comprends. A quoi bon? Pourquoi s'imposer une procédure humiliante et avilissante pour la voir classée sans suite ou pour obtenir des condamnations qui ne reflètent en rien la barbarie ni la monstruosité des faits?

Ce qui est très amusant, dans ce genre d'histoires, c'est que vous trouverez toujours des bien-intentionnés pour vous dire "Mais il FAUT que tu portes plainte, sinon, tu t'en sortiras pas, et sinon, il va recommencer et ce sera ta faute!"

De victime, on devient coupable, tout de suite, de faits que non seulement on subit, mais qu'on se retrouve à commettre par procuration s'il lui venait l'envie de recommencer (parce que, vous comprenez, lui il n'a pas toute sa tête, hein. S'il recommence, c'est qu'il ne se rend pas compte de ce qu'il fait, il faut donc prendre ses responsabilité à sa place, je suppose). Qui aurait envie d'en parler ou de dénoncer dans de telles conditions?

Quand j'ai eu connaissance du verdict, j'ai ressenti cette impression trop familière: celle que l'agresseur, le pervers sera pardonné et protégé, parce que "ce n'est pas grave, il a pas fait exprès et puis, il s'en veut, maintenant".

Peuple français, toi qui rends la justice dans les tribunaux, sache que ton verdict m'enseigne une fois de plus que je ne serais pas crue, que nous ne sommes pas crues. Tu sais, j'ai écouté un grand nombre de victimes, et dans trop de récits revient la trahison de ceux qui sont censés protéger, croire et soutenir. Qu'y a-t-il d'étonnant alors à ce verdict? J'ai tort d'être surprise: la conclusion de ce procès ne fait rien d'autre que montrer le confortable je-m'en-foutisme de mes concitoyens face aux réalités des agressions sexuelles.

8 octobre 2012

Temps mort

Le 1er janvier 2011 me fut posée cette question: "Quel est ton meilleur souvenir de l'année 2010?" Je ne sus que répondre. J'essayai désespérément de me souvenir de quelque chose de marquant: je scrutai le vide à chaque fois.

J'aurais bien titré "Girl Interrupted", mais ç'aurait été un lâche plagiat.

Girl Interrupted est le titre d'un roman de Susanna Kaysen dans lequel elle raconte son séjour dans un hôpital psychiatrique. Susanna ne comprend pas très bien ce qui a provoqué son basculement hors de la raison. Elle suppose qu'elle a été "interrompue", comme cette jeune fille dans le tableau. Lorsque je lus le roman la première fois, je ne compris pas complètement cette image. "M'enfin, elle devait bien avoir eu des signes avant d'en arriver là!" Oui, elle en a eu, mais elle ne pouvait pas les interpréter.

Je n'ai pas de souvenirs entre 2008 et 2011.

Ou plutôt si, j'en ai, mais minces, parcellaires, flous, confus, tenant dans une main, quelques sensations aussi. Je regrette d'avoir effacé mes précédents blogs: ils auraient pu me montrer ce que j'ignore aujourd'hui.

Pourquoi donc cette amnésie? Parce que j'ai pris des médicaments qui m'ont aidée à me tenir debout, à marcher, parler, travailler, de la chimie qui servait de bouclier entre le monde et moi, puisque j'étais trop affaiblie pour affronter ledit monde. Or cette chimie, en me protégeant, a du même coup blindé mon cerveau: les souvenirs ne peuvent plus traverser l'enceinte qu'elle crée autour du malade. C'est un effet connu et ordinaire de ces drogues-là.

Lorsqu'on devient assez fort pour se passer d'armure, on la laisse progressivement tomber. On réapprend à être soi et non plus une version lisse et robotisée.

Quand je compris que je ne retrouverais pas de souvenirs, j'éprouvai d'abord une angoisse sourde, celle d'avoir perdu un morceau de vie. Où était passé mon temps? Qu'avais-je fait? Qu'avais-je dit? Qui étais-je à ce moment-là?

La réponse s'imposa très vite. Je n'étais personne, seulement un vide douloureux qui accomplissait des fonctions et se préparait à se remplir à nouveau de pensées et d'émotions. Peut-être n'existais-je pas vraiment pendant ces trois ans.

Après réflexion et expérience, je compris mieux l'expression de Susanna Kaysen. Peut-être est-on vraiment "interrompu".

J'ai retrouvé une personnalité, des émotions et un passé, même s'il est plus récent que celui d'une personne qui n'aurait pas eu à traverser ce genre de difficulté. Quant au morceau de vie qui me manque, j'ai choisi de l'enterrer. Courir après le néant me ferait perdre davantage de temps.

Puisque l'existence a repris, suivons-la donc.

17 août 2012

Tentative de haïku, IV

Le train parti et le silence revenu
Tu m'as rendue
Riche de nouveaux secrets

12 mai 2012

Diagnostic

"Alors, docteur? Cet examen général?

-Hé bien, la pompe centrale pulse sans paraître reliée aux organes, les structures osseuses sont émiettées et moulues, et vous avez le syndrôme du bouilli.

-Le syndrôme du bouilli? C'est quoi?

-Vos muscles manquent de tonicité, ils sont là, mais tout ramollis, comme des légumes trop bouillis. Ensuite, les tests révèlent la présence de nombreux noeuds inextricables dans tout le panneau dorsal. Votre département de l'Equilibre se dérègle et transmet des informations fantaisistes, comme "Oh, la grosse vague", ce qui vous menace de chute.

-Ah oui, c'est très désagréable, ça!

-Vos alternances de repos et de veille sont faussées, elles aussi. Votre cerveau ne s'éteint plus à la bonne heure, et il ne recharge pas assez. La bonne nouvelle, c'est que vous n'avez pas chopé un rhume, pas une grippe, pas une gastro: soit votre hygiène manuelle est irréprochable, soit votre système immunitaire est en acier.

-Mais alors? J'ai quoi?

-Mlle Cruchotte, je vais être direct: vous avez tous les symptômes de l'épuisement.

-Ah. Et c'est grave? Ca se soigne?

-Oui, ça se soigne, à condition de suivre le traitement. Je vais vous faire une ordonnance: prenez du sommeil tôt le soir, ne travaillez que le nécessaire, faites du sport... Vous me rappelez comment vous avez chopé ça, déjà?

-Ben, chais pas, moi. J'fais rien de spécial. Je pars au boulot à sept heures et quart le matin, j'en reviens le soir vers 20h30, 21h. Le week-end, il faut s'occuper de la paperasse, des courses et du ménage. Vous croyez que c'est ça?

-Ah oui. Effectivement, votre exposition à la maladie est très importante. Ecoutez... dans votre cas, il faut attendre.

-Mais c'est pas possible, docteur, il me faut quelque chose! vous avez bien un truc, des médocs, de la poudre ou de l'EPO!

-Non, il va surtout falloir attendre que ça passe! Quand vous aurez un rythme plus calme, là, vous pourrez vous soigner, mais pas avant.

-Ah... bon, ben, merci...

-Ca vous fait plein d'euros à vous faire rembourser en partie plus tard, s'il vous plaît.

-Oui, oui... voilà..."

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15 avril 2012

Bref... j'ai acheté des capotes.

Connaissez-vous cette série qui fait fureur? La VDM jouée en deux minutes sur Canal? C'est Bref.

Je ne sais pas filmer, ni jouer la comédie, je n'ai que des doigts pour aligner des mots, mais je m'en fiche, j'ai décidé de rédiger malgré tout mon propre épisode.

"Bref...

Ce jour-là, Max, mon plan cul, venait me voir, et j'ai dû acheter des capotes, parce que j'ai pas envie de choper le sida ou de tomber enceinte.

Après un quart d'heure de recherche dans la pharmacie, j'ai fini par les trouver, bien en évidence au rayon homme. J'ai pensé qu'il n'y avait pas que les hommes qui voulaient éviter de choper le sida ou de tomber enceintes.

Acheter des capotes, c'est toujours un peu délicat, parce que tu as beau prendre une petite boîte, tu as quand même l'impression de te trimballer un énorme carton rempli de Durolix 3000 et que tout le monde te regarde en se demandant quel genre de fille tu es.

Dans la pharmacie, il y avait du monde, alors j'ai attendu. Du coup, j'ai eu le temps de repenser à tout ce qui n'allait pas dans ma vie:

-j'étais au chômage sans droits aux allocs,

-ça se passait mal avec ma coloc',

-et il y a ce garçon, dont je suis amoureuse depuis des mois... qui ne veut pas de moi.

Et puis, j'ai regardé ce qu'achetaient les gens.

"Tulrhum 3000"... "Anginicide 3000"... "Antigrip 3000"...

J'ai regardé mon carton redevenu une petite boîte et je me suis dit que ma vie n'était pas si moche, finalement.

Bref, j'ai acheté des capotes."

8 février 2012

Dur d'être out

Bien sûr, tout ceci n'est pas sérieux. J'ai certainement rêvé ce bruit de papier. C'est ça que j'aime dans le fantastique: l'inexplicable s'imbrique si bien à la réalité que toutes les interprétations deviennent possibles.

Il paraît que les débuts de film d'épouvante sont souvent dramatiques. L'héroïne de Ring est une mère célibataire, comme celle de Dark Waters. Celle de Scream a perdu sa mère dans des circonstances dramatiques. Les fantômes et les meurtriers peuvent alors apparaître.

Et moi? Que m'arrive-t-il pour que ma vie bascule dans les dossiers non classés?

Je vis dans l'angoisse et l'incertitude. J'ai peur chez moi, mais je redoute encore bien davantage de m'aventurer dehors.

J'ai appris une nouvelle profession, je cherche du travail, je suis terrifiée à l'idée d'exercer. Et si je me trompais? Et si je ne savais plus rien? Et si j'étais incapable de travailler quand on me le demandera? J'ai déjà eu de mauvaises expériences, n'est-ce pas le signe que je me suis trompée de voie?

Il n'y a pas de fantômes, il n'y a pas de tueur planqué dans mon placard. Autour de moi, il n'y a que ma trouille de vivre qui essaie de me faire peur, et elle avance cachée sous les craquements des murs.

J'ai tenté de fuir en relisant les trois mille pages de Badstrip. J'ai fui en dormant à des heures indues ("Allô, Anne? On dirait que je te réveille... -Mouif, un peu, j'dormais... -A 19h?!"), j'ai même fui en laissant traîner la vaisselle. J'ai écrit en me moquant de moi, j'ai relu, j'ai pensé "Je ne suis pas satisfaite", j'ai posté quand même, j'ai médité et réfléchi.

Maintenant que je suis vaguement plus calme et reposée d'avoir peur, je vais tenter de reprendre le contrôle. Pour affronter la peur, il faut faire ce qu'elle interdit.

Je n'ai plus le choix. Pour m'en sortir, c'est pas compliqué: je dois me botter l'arrière-train grâce à ma souplesse exceptionnelle et sortir.

7 février 2012

L'appart anormal

C'est juste avant le réveil complet. J'ai encore les yeux fermés, mais je suis consciente de ne plus dormir. Je savoure la chaleur de la couette, j'entends les voisins, l'extérieur, les piafs qui ne sont pas encore morts de froid. Le bruit d'une page qu'on tourne, soigneusement, juste au-dessus de moi. Le même son qu'hier soir, quand je lisais Sillage.

Une page qu'on tourne? Au-dessus de moi?

J'ouvre les yeux: personne. Je suis seule dans ma chambrette, seule en mon logis. Le bouquin le plus proche de moi est sur mon lit, bien fermé. Mais alors... d'où venait ce bruit?

audelàduréelAvant, on pensait que la forêt était peuplée de créatures magiques, plus ou moins sympathiques. Aujourd'hui, nous ne vivons plus à proximité des bois, nous sommes donc obligés de chercher le mystérieux là où il se trouve désormais: dans les objets qui nous entourent.

Je vis aujourd'hui en colocation dans une maison et dans un bled paumé. C'est un lieu charmant, au moins aussi plaisant que l'hôtel de Shining.

La clef de la boîte aux lettres a mystérieusement été avalée par le néant. Un couteau à légumes aussi. Cela m'inquiète un peu, quand même. Je n'ai pas envie d'être épluchée ou coupée en dés par l'esprit de quelque cordon-bleu mal dévoré et vindicatif.

"Anne, tu vas passer à la casserole (et ce, en tout bien, tout honneur)!
-Non! Pas la casserole, pas la casserole!
-Siiiii! C'est l'heure de se faire sauter!*
-Nooooon! Vous me prenez pour une tanche, mais je suis une cruche, une cruche!"

D'autres menus accessoires sont portés disparus.

Il faut se rendre à l'évidence: ma maison est hantée. Je vis au-dessus d'un vortex blagueur qui aspire les objets. Oui, c'est possible. Buffy, elle vit bien chez une porte de l'enfer. Ou alors, on peut supposer que les entités invisibles ont besoin de lunettes ou de prendre leur courrier. Les yôkaïs, les démons japonais, ont bien leur poste. Si, si, lisez Gegege no Kitaro.

Ici, un froid glacial vous fait constamment frissonner du dos, et non, cela n'a rien à voir avec les actuelles températures négatives! Rappelez-vous Sixième Sens: "Ce sont eux, quand ils se mettent en colère..." Les murs craquent, la télévision aussi. Entendez-vous ce bruit doux, régulier et répétitif, comme la respiration d'un dormeur? Ce n'est pas le son du chauffe-eau. C'est le souffle de la maison. Elle est vivante. Oui, ça se peut! Dino Buzzati a écrit une nouvelle sur le sujet.

Des objets tombent dans d'autres pièces. Comment? La faute à mon bordel? Ah non, je regrette, j'ai un bazar organisé qui ne tombe jamais, parfaitement équilibré! D'ailleurs, quand je viens vérifier, rien n'a bougé. Et ce matin, dans mon demi-sommeil, j'ai très distinctement entendu le bruit d'une page qu'on tourne, lentement, juste au-dessus de moi. Vous dites que j'ai rêvé? Ha! C'est qu'ils essaieraient de me faire croire pour me rendre folle! Mais je sais bien que de tels phénomènes existent! C'est bien leur veine, d'être tombés sur un esprit cultivé, cinéphile et éclairé. Je ne me laisserai pas avoir!

Et alors, Anne? Que vas-tu faire? Appeler Ghostbusters?

Non. Qu'est-ce que j'y peux, moi, si on est plus nombreux que prévu dans cette colocation? Ils me dérangent pas, les fantômes, ils ne prennent pas de place. Et puis, ils ne m'ont pas encore pris mes affaires, je ne pense donc pas qu'ils en aient après moi.

Et la clef de la boîte aux lettres?

Je n'étais pas encore vraiment installée quand elle a disparu. C'est pour cela que je pense que ce n'était pas tellement pour me taquiner.

Ils blaguent un peu, c'est tout. Je vais entendre des trucs bizarres, penser "Ah, encore un poltergeist qui fait tomber un truc qu'existe pas, quand même, 'sont fichtrement maladroits", et vivre en ces lieux sans y prêter plus d'attention. En coloc', tu sais, il faut parfois savoir tolérer les manies agaçantes d'autrui. Tant que personne ne sort de la téloche ou n'essaie de m'y faire entrer, je n'ai pas à m'en faire.

*Anne Hecquedote assume parfaitement le profond mauvais goût de cette blague au graillon. Et encore, je me suis abstenue du "A poêle!"

Source image: ici.

6 février 2012

La part anormale

C'est pour ce genre d'anecdote que je me maudis de ne pas savoir dessiner. J'aurais pu illustrer mon spectaculaire changement de gueule, installer une chouette atmosphère glauque, au lieu de quoi, je n'ai qu'un dialogue... que des mots, pas d'images. C'est extrêmement frustrant.

Intérieur nuit, dans une maison froide loin de tout. Deux jeunes femmes discutent. L'une d'elles est moi, la Cruche, je conclus une anecdote amusante qui fait toujours rire.

"Et donc alors, je suis tombée, et tout le monde a vu ma culotte! J'avais beau avoir que neuf ans, ça fait toujours mal!

-HAhaHAhaHAha! Ah, vraiment trop drôle. Et sinon, t'as pas des origines juives?

-Euh, non, répondis-je quelque peu interloquée du brutal changement de conversation.

-T'es sûre?

-Oui, oui, là je suis sûre, oui.

-Ah bon. Parce que j'ai une copine, elle est juive, et des deux côtés hein, et ben, tu lui ressembles trop.

-Euh...

-C'est incroyable! Le même visage, la même voix, les mêmes cheveux! Tout pareil!

-Ah ben ça alors, c'est fou. Et tu l'as toujours, cette copine?

-(voix sombre façon Mercredi Addams) Non. Elle est morte. Elle s'est suicidée.

-Aah, hoquetai-je en essayant de maîtriser le léger tremblement de ma voix.

-Ses parents sont rentrés et l'ont retrouvée pendue.

-Ah... c'est... c'est terrible.

-Qu'est-ce que tu lui ressembles..."

Je partage une maison avec une jeune femme qui m'annonce que je suis le sosie d'une Juive morte par pendaison.

Elle ne s'annonce pas très bien, cette colocation...

27 janvier 2012

Tentatives de haïkus, III

Passent les nuages
Puissent-ils en faire autant
Mes soucis

Lever la tête vers les étoiles
Combien d'autres
Le firent avant moi?

Je ne suis jamais seule
Mon ami vit chez moi
Le froid

La rue, j'avance,
Un ange passe
Envie d'ailes

"Se battre", "lutter", "affronter",
"s'adapter"
, "changer",
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Plein de vide
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